[Epicerie mobile] A votre contenance, une expérience d’épicerie mobile rurale

[Epicerie mobile] A votre contenance, une expérience d’épicerie mobile rurale

Ce vendredi 10 mars, j’ai rencontré Sonia Vannier, initiatrice de l’épicerie mobile « A votre contenance » qui a sillonné les villages de la région de Vresse-sur-Semois pendant plusieurs mois, mi-2022. Le projet de Sonia, c’était de proposer des produits locaux en vrac aux habitants de sa région, pour soutenir les producteurs artisans dont elle appréciait déjà les produits, et qu’elle voulait mettre en valeur. Elle souhaitait mettre en avant la qualité, la saisonnalité, une autre manière de consommer. Elle s’est lancée grâce à un système de couveuse d’entreprise en mai 2022.

Le véhicule et les équipements

Sonia a racheté un camion d’occasion, d’un commerçant ambulant de textiles. Il présentait l’avantage d’être de grande dimension (7 m de long) avec un auvent coulissant (5 m supplémentaires). Le véhicule lui a coûté 20.000 euros, et son aménagement, 8.000 euros. La mise en place du véhicule prend environ 30 minutes. L’auvent est parfois capricieux à ouvrir, notamment quand le terrain n’est pas plat, ce qui est courant en région Ardennaise. Le camion est bien adapté à une vente sur les marchés, mais peu pour l’itinérance (vente de porte à porte). Sonia restait 3 heures sur les emplacements dans les villages, auxquels il faut ajouter 1 heure de montage-démontage. Le véhicule devait être branché à l’électricité pour refroidir les frigos, ce qui était généralement possible dans les églises, parfois moyennant un dédommagement. L’inertie des frigos maintenait le froid pendant les 15-20 minutes de déplacements entre lieux de vente. Lors des épisodes de canicule, le matériel a beaucoup souffert, notamment les frigos d’occasion. A son domicile, Sonia dispose de deux chambres froides et de deux frigos pour le stockage des produits.

 La gamme

Sonia proposait un peu de tout dans son épicerie mobile : des fruits, des légumes, des laitages, des salaisons (mais elle attendait d’avoir bien développé son commerce pour prendre des charcuteries), du pain uniquement sur commande, des tartinades, des produits secs, mais aussi des produits d’entretien et cosmétiques, et des croquettes pour chien. Elle choisissait rigoureusement les artisans avec qui elle travaillait, et gardait le cap du zéro emballage. Le sucre était remplacé par du sirop de betterave, et elle n’avait pas de sel ni de café (elle souhaitait trouver de la chicorée). Les produits d’appel étaient le fromage, les saucisses sèches, les gaufres/brioches mais surtout le pain, sur lequel elle prenait peu de marge et qu’elle proposait uniquement sur commande pour réduire les invendus. Les clients complétaient les récoltes de leur potager avec les légumes de l’épicerie. Parfois, des produits habituellement derrière et placés à l’avant étaient considérés comme des nouveautés et beaucoup mieux vendus, ce qui montre l’importance de bien faire connaitre sa gamme et de la faire varier (ou en tout cas en donner l’impression). Sonia recommande de disposer d’une liste des produits, qui lui était souvent réclamée par des personnes âgées. Les invendus étaient gardés pour son ménage.

 La logistique

Sonia avait à cœur d’aller chercher ses produits chez les producteurs, et ne passait pas par des grossistes. Elle y allait le plus possible avant, pendant et après ses tournées, mais ça lui prenait beaucoup de temps. Elle travaillait 72 h par semaine.

Les lieux et moments de vente

L’épicerie mobile sillonnait les villages et se rendait sur des marchés. Il faut toujours demander une autorisation à la commune pour valider les emplacements de vente. La météo influençait beaucoup l’affluence.

La rentabilité

L’épicerie mobile de Sonia approchait dès son démarrage les chiffres de rentrées permettant sa rentabilité (12.000 euros de chiffres d’affaire à atteindre). Les rentrées du mois d’août étaient beaucoup plus faibles, la canicule ayant présenté une difficulté supplémentaire. L’automne s’annonçait sans doute plus prometteur avec les retours de vacances, d’après les échos qu’elle a reçus. L’activité a cependant été abandonnée en septembre, pour d’autres raisons. D’après Sonia, la présence sur quelques gros marchés (minimum 3) permet de rentabiliser la présence dans les villages. Attention, dans son plan financier, l’amortissement du véhicule n’était pas pris en compte (système de couveuse d’entreprise peu compatible avec les outils mobiles).

Au niveau de la marge, Sonia travaillait avec les prix recommandés par les producteurs, soit à un prix de vente généralement autour de 1,4 (34 % de marge) pour les produits alimentaires (1,1 pour le pain) et parfois supérieurs à 1,6 pour les produits d’entretien (vendus en moindres quantités). Les magasins franchisés travaillent en général avec une marge de 20 à 30 %. Le panier moyen était très variable. Une cliente qui venait chercher ses légumes pour la semaine en avait en général pour une cinquantaine d’euros.

Les causes de l’arrêt

Sonia a arrêté son activité d’épicerie mobile car le projet ne prenait pas la tournure qu’elle souhaitait. Elle ne se sentait pas utile et efficace, car les clients n’étaient pas dans la mouvance qu’elle espérait. « J’étais l’attraction des villages ». Les personnes âgées restaient cantonnées dans leurs habitudes (supermarché) et trouvaient ses produits trop chers. Il est possible que l’arrivée tardive des supermarchés dans les zones rurales ait été associée à la modernité, d’où l’attachement des habitants à ce mode de vente. La démarche zéro déchets n’était pas comprise. Certains clients venaient avec des emballages plastiques jetables et voulaient lui en laisser « pour l’aider, pour les clients suivants ». Sur les douze emplacements réguliers de Sonia, seuls deux étaient assez dynamiques, elle y était connue et reconnue par les clients. Bien plus attachée à ses valeurs qu’à son activité économique, Sonia a été démotivée par ce manque d’engouement. Elle pense qu’avec une gamme « classique » de supermarché, le commerce aurait pu fonctionner et être rentable, mais ce n’est pas ce qu’elle voulait faire.

La lourdeur de l’activité a également affecté sa motivation, car la logistique était très lourde à gérer.

Aujourd’hui, Sonia travaille plus directement avec les producteurs, en jouant le rôle de « couteau suisse ». Elle aide à la production (par exemple, elle a travaillé dans l’atelier de boulangerie du Moulin de Vencimont pour un remplacement), elle fait des livraisons et du démarchage, notamment de petites surfaces en franchise. Elle se sent vraiment utile dans ces fonctions, et voit le résultat auprès des producteurs dont elle aide à renforcer les activités. Ici aussi, certains gérants de commerce sont peu sensibles aux valeurs qu’elle promotionne, mais elle parvient à s’adapter et à enrichir son argumentation : fraicheur > qualité (manuel, pâtes aux « vrais » œufs…) > local > zéro-déchets. Le sans emballage est évidemment compliqué avec les grandes surfaces.

Et si c’était à refaire ?

Sonia ne s’est pas séparée de son camion, son « gros loulou ». Et si c’était à refaire ? Ces derniers mois lui ont permis de prendre du recul, et son nouveau travail, de porter un autre regard sur son expérience avec l’épicerie mobile. Peut-être était-elle trop « extrême » dans les valeurs qu’elle proposait, qui nécessitaient trop de changements chez les clients. Si c’était à refaire, elle irait plus progressivement. Elle observe dans ses discussions avec les gérants de grandes surfaces qu’il faut pouvoir argumenter (peut-être partait-elle trop vite du principe que les gens comprendraient et suivraient ses idées), faire tester, progresser. Elle ré-étudierait aussi les lieux et moments de vente, et se concentrerait sur ce qui fonctionne.

A retenir…

Il faut bien penser le véhicule avant de se lancer. Pour faire du porte-à-porte, comme les Marchés d’Elo à Paliseul (commerce ambulant arrêté), il faut un véhicule adapté (sans auvent, plus maniable).

Bien se rendre compte de la lourdeur de la logistique et de l’activité (72 h / semaine) : le gérant doit être motivé et avoir les reins solides.

Être conscient de la réalité des consommateurs, souvent peu intéressés par les produits bio et locaux, qui seront plutôt à la recherche des produits auxquels ils sont habitués, dans leurs budgets habituels, quand ils le souhaitent (soir, w-e), sans système de commande, avec emballages…

Plus d’informations et photos sur la page facebook : https://www.facebook.com/avotrecontenance/ 


 

[Epicerie mobile] Ignace, produits bio, sillonne les marchés

[Epicerie mobile] Ignace, produits bio, sillonne les marchés

Ce lundi 6 mars 2023, j’ai rencontré Ignace Sepulchre, gérant de « Ignace produits bio », commerce ambulant de produits bio desservant les marchés matinaux de Bruxelles, Auderghem, Waremme et Verviers. Il ouvre également son commerce mobile dans son village à Barsy (Havelange) le vendredi soir. Une occasion de découvrir son activité et de bénéficier de 25 ans d’expérience dans la vente de produits bio et locaux.

Les équipements

Ignace et son épouse ont commencé à faire les marchés avec une remorque de vente attachée à une camionnette. Ils ont ensuite choisi un petit camion, et plus récemment, ils ont investi dans un plus grand camion de vente. Tout le nécessaire pour la découpe est présent dans le camion, ainsi que les balances, un évier pour se laver les mains, le paiement mobile, etc. Lors des déplacements, les frigos bénéficient de l’inertie thermique. Sinon, ils sont raccordés à l’électricité sur le marché et au domicile. Dans son garage, Ignace dispose d’une chambre froide pour la conservation des produits frais, et de quelques étagères pour le stock d’autres produits.

Concernant notre idée d’épicerie mobile, Ignace nous conseille de bien réfléchir au type de véhicule, car le commerce ambulant de village en village nécessite un équipement particulier, pratique, ne nécessitant pas de passer du temps à la mise en place des produits à chaque arrêt. Des modèles bien adaptés existent notamment en France où ce genre de commerce ambulant est encore fréquent. Une bonne adresse de vendeur spécialisé est Etalmobil (https://www.vehicule-magasin.com/). Ils proposent du neuf et de l’occasion.

La gamme

Leur spécialité est sans conteste les fromages. Leur étal comprend une très belle diversité de fromages bio wallons, mais également quelques incontournables provenant de pays voisins comme le Comté ou la Fêta qui leur est livrée en tonneaux. Vache, chèvre, brebis, les amateurs de laitages sont servis, et ils peuvent même y trouver du lait cru. La fraîcheur est assurée par des approvisionnements deux à trois fois par semaine, soit en direct auprès des producteurs, soit via un grossiste, selon la localisation des fournisseurs. Ignace propose également de la viande fraîche et de la volaille, des œufs d’un poulailler mobile du village, du pain et des pâtisseries (donc une partie sont confectionnées par son épouse avec beaucoup de passion), un peu d’épicerie sèche, quelques bocaux et des boissons. Il ne propose pas de fruits et légumes, laissant ce créneau aux autres exposants.

La gestion des invendus

Le pain et la viande sont les invendus les plus difficiles à gérer. Ignace en garde une partie pour la consommation de son ménage, certains fournisseurs lui en rachètent occasionnellement, mais il n’a pas encore trouvé de solutions pour les fournir aux colis alimentaires car il devrait aller les déposer loin de chez lui.

La commande

Sur le site internet de l’entreprise se trouve un e-shop permettant aux clients de commander des produits. Ils paient lors de l’enlèvement de leur colis sur le marché. Ignace va désactiver la réservation en ligne car c’est très difficile à gérer : il faudrait actualiser les prix chaque semaine, et la gamme des produits vendus est très étendue. Par contre, les clients peuvent commander sur les marchés pour les semaines suivantes, ou par sms ou par mail. Ce système est très pratique car il leur permet d’être assurés de la disponibilité des produits.

Les vendeurs

Le commerce d’Ignace nécessite 3 personnes pour servir les clients. En effet, le camion propose une gamme très importante de produits, et les fromages et viandes sont découpés et emballés par les vendeurs, ce qui nécessite du temps. Il est important que les personnes qui gèrent la vente soient formées, notamment en ce qui concerne la manipulation des denrées et les bonnes pratiques permettant d’assurer une bonne conservation des produits (emballage des fromages sous film plastique pour les conserver entre les moments de vente, etc.).

Dans le cas du projet du Réseau RADiS, il trouverait intéressant que les producteurs assurent de temps en temps la vente. Les avantages seraient à la fois une économie sur les coûts salariaux et la convivialité offerte aux consommateurs de pouvoir rencontrer et découvrir les acteurs de leur alimentation. Il est en effet important d’associer le visage et la petite histoire aux produits.

La logistique

Auparavant, Ignace fournissait en produits quelques commerces, mais cette activité a cessé. Les grossistes demandant de grosses commandes pour atteindre le franco de livraison, les commerces préfèrent limiter le nombre de fournisseurs. Ignace livre encore quelques restaurants.

C’est principalement le mardi matin qu’il consacre à sa tournée chez les producteurs. Si ce n’est pas rentable en termes de temps et de frais, Ignace tient à rendre visite aux producteurs pour s’enrichir d’anecdotes et de conseils sur les produits, et relayer des éléments intéressants à ses consommateurs. Il ne serait par contre pas capable de payer une personne pour réaliser cette tournée, cela reviendrait vraiment trop cher. Il utilise une petite camionnette plutôt que son camion pour des raisons de praticité et de maniabilité.

Il ne faut pas sous-estimer le temps nécessaire pour préparer les vitrines de l’épicerie et ranger les produits après les jours de vente.

Une semaine type pour Ignace :

  • Lundi : gestion administrative du commerce
  • Mardi : tournée chez les fournisseurs et préparation de l’épicerie mobile pour les jours de vente
  • Mercredi au samedi : vente sur les marchés le matin (et le vendredi soir à Barsy).
  • Dimanche, c’est le jour de repos !

 

La vente

D’après Ignace, on peut considérer le panier moyen du consommateur entre 25 et 30 euros. La ferme du Peuplier, qui vend ses légumes à coté de lui, fait à peu près le même chiffre.

Ignace prend une marge allant de 60 % à 70 % environ. C’est relativement faible par rapport à d’autres exposants. Pour les autres exposants comme des boucheries, les marges peuvent aller jusque 150 %. En général, les fournisseurs pratiquent un prix BtoB. Certains ne souhaitent cependant pas descendre leurs prix sous le tarif BtoC. Ignace renonce alors à acheter leurs produits, car ils seront trop chers pour ses clients. De nombreux producteurs ne savent pas ce que leurs produits leur coûtent, et ont du mal à définir un prix, notamment pour la vente en gros.

Les meilleurs jours de vente selon Ignace sont le week-end, quand les gens ne travaillent pas. Certaines personnes actives viennent faire leurs courses tôt le matin, parfois en déposant les enfants à l’école, et sur le temps de midi. En général, il est plus facile de vendre des produits comme des fruits et légumes le matin, car ils ont tendance à se défraichir plus vite l’après-midi (chaleur).

La vente mobile permet de répondre à des opportunités. Ignace a été sollicité pour proposer un buffet zéro déchets à une marche gourmande. Il a préparé des pains garnis et des boissons à bouteilles consignées. C’était très chouette mais aussi beaucoup de préparation et de travail sur place. Les brocantes sont aussi un créneau intéressant, et les festivités de village. Il avait été invité à Bruxelles sans voitures et à la Fête de l’environnement du Cinquantenaire, mais les prix demandés par les organisateurs ont rebuté les artisans et petits commerces. C’est à présent une majorité de forains qui y vendent des produits.

La situation des marchés

Ignace pense que les marchés situés en zones urbaines, se rapprochant des consommateurs, sont une voie d’avenir. Les coûts du transport individuel pourraient devenir si importants que cela provoquerait un retour d’une partie de la population vers les zones urbaines. Les marchés ont connu des difficultés ces dernières années : fermeture liée à la crise covid, baisse de fréquentation ensuite notamment liée aux départs en vacances, faillites de nombreux exposants… Il observe que les ventes de pain sont à la baisse mais ne peux pas expliquer pourquoi. Pour Ignace, il est important que les villes réinvestissent dans leurs marchés hebdomadaires en les facilitant : mieux les situer dans certains cas (à Ciney, il est pour le moment éloigné du centre commerçant), éviter autant que possible de limiter leur accès par des travaux, etc.

Les marchés permettent de rencontrer une diversité de personnes d’origines variées et de leur permettre d’accéder aux produits bio locaux qu’ils ne trouveraient peut-être pas sinon. On y retrouve aussi un public de personnes gourmandes, qui aiment manger. La qualité d’un marché dépend de sa fréquentation et de la gamme proposée par les autres exposants.

Pour rejoindre un marché, il est nécessaire de demander une autorisation à la Ville concernée. Un règlement communal dicte combien d’exposants de chaque catégorie de produits le marché peut accueillir, afin d’éviter les trop fortes concurrences. En général, ils manquent de boucheries et de poissonneries. Il y a parfois des listes d’attente. Il faut payer une taxe communale s’élevant environ à 3 euros par mètre et par marché. Il y a un supplément à payer pour l’électricité.

Les recommandations d’Ignace

Ignace pense que l’épicerie mobile du Réseau RADiS peut fonctionner. Il serait intéressant que les producteurs s’y investissent pour tenir cette épicerie à tour de rôle, au moins pour une partie de ses activités. Il sera important de prévoir une bonne communication, car c’est en général le point faible des commerces ambulants sur les marchés.

Photos (c) Ignace Produits BIO


 

[Epicerie mobile] Wallocale, l’épicerie ambulante des artisans wallons

[Epicerie mobile] Wallocale, l’épicerie ambulante des artisans wallons

Ce vendredi 3 mars, j’ai rencontré Didier Sperandieu, fondateur de Wallocale, une épicerie ambulante de produits locaux. Elle a fonctionné de juin 2018 à février 2019. À la suite d’un souci avec son véhicule, Didier a modifié son activité en se concentrant sur la promotion d’une quinzaine de producteurs et d’artisans (rôle de délégué commercial et livraison de produits dans des épiceries spécialisées). Il a ensuite été recruté chez Rob The Gourmet’s Market à Bruxelles pour développer leur gamme de produits. Didier nous a partagé son expérience avec l’épicerie ambulante Wallocale, et nous a donné de précieux conseils pour la mise en place d’une épicerie mobile du Réseau RADiS.

La naissance du projet

Didier Sperandieu a fondé « Wallocale, l’épicerie ambulante des produits d’artisans wallons » en 2019. Après un début de carrière dans le secteur de la grande distribution et un passage par le magasin « D’Ici », Didier a décidé de créer son propre projet mettant en valeur les artisans locaux. « Chez Match, j’étais frustré, car les aliments sur lesquels je travaillais étaient beaux, certes, mais sans visage, sans histoire, on ne savait pas dire qui était le producteur ou l’artisan qui était derrière. Le travail chez D’Ici m’a permis de découvrir un tas d’artisans et les valeurs qu’ils portaient. J’ai été séduit. Avec Wallocale, j’ai voulu mettre en valeur le travail de nos artisans wallons en présentant leurs produits à Bruxelles et dans le Brabant wallon ». Pendant deux ans, Didier a imaginé et construit son projet d’épicerie ambulante, alliant convivialité et toutes les valeurs qu’il souhaitait porter. Enfin, en juin 2018, le véhicule était sur la route.

Le modèle

Didier a démarré avec un petit budget : 6.000 euros d’économies qui lui ont permis d’acheter un ancien food truck de hamburgers, et 5.000 euros d’une bourse Job In qui lui ont permis de le transformer et d’acheter ses premiers stocks de marchandises. Après des mois de travail sur sa camionnette pour en faire un outil de vente à la fois pratique et convivial, Didier se lance sur les routes en février 2019.

Les lieux de vente

La vente a lieu sur différents marchés : Saint Gilles, Uccle, Etterbeek, Woluwé et Wavre. Grand coup de stress pour son premier marché à Ottignies : 50 euros de vente à peine sur la matinée ! Dépité, Didier s’est demandé comment son projet pourrait tenir avec de si faibles rentrées. Mais tout est une question de stratégie, que ce soit le choix des lieux de vente, ou la gamme proposée à la clientèle. L’avantage d’un outil mobile, c’est qu’il peut se déplacer là où les ventes fonctionnent, et si un quartier est intéressant à un moment donné, il peut ne plus être un bon spot quelques années plus tard. Les marchés rassemblent du monde, mais il n’est pas facile de s’y faire une place et ça peut être assez coûteux. Les week-ends sont un bon créneau de vente car il y a plus de monde, et les nocturnes sont intéressantes pour leur côté convivial (proposer alors des boissons, apéros…). Parfois, une association avec un commerce local qui met à disposition son parking peut être intéressante, c’est ce que Didier a fait avec la banque Axa de son village. Il n’y a alors pas d’autorisations à demander à la Commune et pas de frais de location d’emplacement. Une maison de repos de haut standing lui a proposé de venir une fois par semaine pour les pensionnaires, ce qui était un moment riche du point de vue social. La présence sur des événements peut être aussi très intéressante. Il faut aussi créer ses événements, inviter des producteurs, etc. Didier n’a pas expérimenté la vente de village en village, mais recommande de proposer des systèmes de pré-commande pour s’assurer d’avoir assez de clients sur l’itinéraire.

L’art de définir sa gamme

D’après Didier, le succès d’une épicerie ambulante dépend surtout de la gamme de produits qui y est proposée. Ses produits phares étaient les fruits et légumes, les fromages, le miel, et certains produits comme la mousse de truite qu’il a fait découvrir à ses clients. Il faut de la fraicheur (trois approvisionnements en fruits et légumes par semaine) et surtout de la qualité et de la diversité. Il est important de se démarquer des produits vendus par les autres commerces avec des choses originales et la mise en valeur de la « petite histoire » du produit. Dans l’épicerie, on trouvait aussi de la viande, des charcuteries (saucisson, boudins…), des bières, des limonades, du vin, du pain… La gamme doit changer régulièrement pour proposer des nouveautés. Il vaut mieux ne présenter en routine qu’une sélection des produits des producteurs, et en « nouveautés » le reste de la gamme en tournant régulièrement. La gamme change aussi avec la saison, notamment pour les fruits et légumes ! C’est un bon moyen de sensibiliser le consommateur, de le conseiller. Pour la période des fêtes, on peut aussi se concentrer sur des produits de bouche.

La conservation des produits

L’épicerie est munie d’un frigo renfermant les laitages et la viande. Tout est emballé sous vide ce qui permet de ne pas devoir manipuler les produits sur le marché (pas d’évier pour se laver les mains…) et réduit les obligations AFSCA. Les légumes sont présentés dans des bacs en bois. Il faut éviter de les placer au soleil. Sinon, ils tiennent facilement le temps d’un marché, soit 4 à 6 heures. Il y a des légumes plus sensibles que d’autres, comme les salades. La vente de salades n’est pas intéressante, car elles prennent de la place, flétrissent vite, et ne rapportent pas de marge. Il vaut mieux préférer les racines et les poireaux. Les pommes de terre sont appréciées à Bruxelles, mais prennent de la place et du poids, et génèrent peu de marge. Hors des périodes de vente, Didier stockait les fruits et légumes dans une cave, et laissait les laitages et la viande dans le camion, le frigo étant alors branché sur le secteur de son domicile. Les invendus sont peu nombreux quand on connait les habitudes de sa clientèle et quand on travaille en flux tendu. Ils étaient valorisés dans la consommation du ménage.

La logistique

Pour s’approvisionne en produits d’artisans, Didier a privilégié le contact direct avec les producteurs et allait se ravitailler en direct chez eux. Ceci demande beaucoup de temps et d’énergie. Le passage par un intermédiaire peut réduire ce besoin logistique, mais ce dernier prenant son pourcentage, les marges seront moins importantes pour ne pas arriver à des produits inaccessibles. Il est donc nécessaire de faire ses calculs pour définir la meilleure stratégie. Parfois, les choses se mettent en place d’elles-mêmes. Sur un marché, une boulangère a proposé à Didier de vendre ses pains car elle n’était pas forte dans la commercialisation. Une épicerie ambulante pourrait proposer en parallèle un service logistique pour fournir d’autres commerces, mais attention à la concurrence si les clients y trouvent les mêmes produits !

Le véhicule

La conception du véhicule doit être bien pensée pour s’assurer que rien ne bouge pendant le transport. Didier peut laisser certaines choses sur les étagères, mais doit ranger des articles plus fragiles à chaque déplacement. Il faut pouvoir proposer le plus de diversité de produits possible, donc avoir du volume, valoriser chaque espace. Didier a eu beaucoup de soucis avec sa camionnette, et passait beaucoup de temps à la réparer. C’est finalement une explosion du moteur qui a provoqué l’arrêt des activités.

Un métier difficile

On idéalise souvent le métier d’ambulant, mais c’est une activité qui peut être très lourde. A coté des moments de vente, il faut mettre beaucoup d’énergie pour aller chercher les produits, pour s’installer (1/2h) ou replier son matériel et le stocker dans de bonnes conditions, vendre par tous temps (dans le froid de l’hiver ou sous le cagnard de l’été), et gérer l’administratif (il a commencé par gérer seul la comptabilité). Être seul, ce n’est pas facile, et Didier recommande d’essayer d’être à deux pour assurer les marchés (et pourquoi pas un gérant et un bénévole en tandem ?), et se répartir les tâches logistiques et administratives. Mais il faut alors aussi que le commerce fonctionne suffisamment pour payer deux salaires. Il faut que la personne qui gère la vente ait la fibre commerciale et arrive à attirer le client, parler de produits, varie la gamme, etc. La qualité de cette personne est déterminante pour tout projet de commerce.

L’importance de la communication

Didier n’avait pas de gros budget de com-marketing pour son activité. Il a d’abord pris soin de réaliser un food-truck attractif, beau, donnant une ambiance originale, reflétant les artisans et producteurs. Il faut que les clients admirent le décor, pour s’intéresser ensuite aux produits. Pour le reste, la communication était concentrée sur la page facebook et le compte instagram, en prenant soin de montrer le quotidien, les visites aux producteurs, les présences et événements sur les marchés, les contre-temps… Pour donner un visage à son activité. Didier juge que sa communication n’a pas été suffisante, notamment pour signaler sa présence dans son village, Wépion, un soir par semaine.

Le fonctionnement économique

Il est difficile de donner la valeur d’un « panier moyen » pour l’activité de l’épicerie ambulante, car tout dépendait du marché, de la gamme et du contexte (à Bruxelles, les clients ont en général plus de moyens). Du point de vue des marges, il tournait autour de 40 à 50 %, mais c’était trop peu. La marge peut être plus importante pour les légumes, mais elle sera moindre pour les laitages et produits d’épicerie. D’après JobIn, avec qui Didier était en couveuse d’entreprise, le modèle était économiquement rentable.

Aujourd’hui, Didier n’a aucun regret : « Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter. Peut-être un peu différemment. J’ai beaucoup appris ». Wallocale est aujourd’hui à l’arrêt, mais un feu de passion couve sous ses cendres. Peut-être nous reviendra-t-il bientôt avec un nouveau projet ?

Photos (c) Didier Sperandieu


 

Publication : Un outil d’aide au démarchage en BtoB pour les producteurs bio locaux

Publication : Un outil d’aide au démarchage en BtoB pour les producteurs bio locaux

Ce printemps 2022, le GT maraichage s’est penché sur les différents canaux de vente en BtoB, débouchés potentiels pour les producteurs bio locaux du territoire.

Grâce au travail conjoint de Kathleen Voyeux, stagiaire en éco-conseil, et de Sylvie, chargée de projet pour le Réseau RADiS, et grâce au soutien des agences ADL d’Anhée et de Dinant, et de personnes-ressource, une caractérisation des débouchés en BtoB et un inventaire des acteurs en région dinantaise ont été réalisés. Enfin, des conseils de démarchage issus d’autres structures d’encadrement ont été compilées.

Cet outil se veut être une aide à la prospection et au démarchage des intermédiaires de vente, des restaurateurs, traiteurs et collectivités pour les producteurs individuellement et/ou par le collectif.

Lien vers la page des publications

 

Une épicerie mobile pour la vente des produits bio & locaux et région dinantaise !

Une épicerie mobile pour la vente des produits bio & locaux et région dinantaise !

Lundi 1er août, une vingtaine de citoyens et producteurs bio se sont rencontrés à Loyers pour réfléchir ensemble à la vente des produits bio & locaux vers le consommateur en région dinantaise. Nous avons étudié les avantages et inconvénients de quatre formes de vente : un magasin de producteurs, une épicerie mobile, des points de distribution (genre « points de R’aliment ») et un distributeur automatique. Après des discussions passionnées, est arrivé le moment du vote. C’est l’épicerie mobile qui remporte haut-la-main l’engouement de chacun ! Sont mis en avant : son coté convivial, sa réponse élégant aux enjeux de mobilité qui sont particulièrement importants sur le territoire, la possibilité d’utiliser cet outil pour d’autres tâches comme de livrer des épiceries ou autres acteurs….

Il n’y a plus qu’à… résoudre les questions pratiques pour pouvoir vérifier la faisabilité de cette initiative :

  • Quelle offre proposera-t-on ?
  • Où l’épicerie mobile se postera-t-elle ?
  • Comment optimiser sa convivialité ?
  • Fonctionnera-t-on aussi sur commande ?
  • Comment gérer les invendus ?
  • Quel modèle de camion et quel coût ?
  • Comment gérer la logistique pour aller chercher les produits des producteurs ?
  • Etc.

Des petits groupes de travail constitués de citoyens volontaires tenteront de résoudre ces questions dans les prochaines semaines.

Affaire à suivre !


 

Une épicerie mobile pour la vente des produits bio & locaux et région dinantaise !

Epicerie mobile ? Magasin de producteurs ? Points de distribution ? Vendre nos produits bio locaux – réunion le 1/8

Avec le Réseau RADiS, nous installons des maraichers, nous produisons de la farine, nous fournissons des écoles… Passons maintenant à la vitesse supérieure ! Il est temps d’organiser la vente des produits bio et locaux du territoire, de les rendre accessibles au plus grand nombre.

Nous démarrons donc une réflexion sur la forme à donner à la vente des produits du Réseau. Plusieurs idées ont déjà fusé parmi nos forces vives.

  • Une épicerie mobile permettant d’acheminer les produits vers les villages plus isolés ?
  • Un magasin de producteurs fixe ?
  • Ou encore, des points de distribution des produits disséminés sur le territoire ?

Que développer sur le court, le moyen et le long terme ? Nous vous proposons de nous réunir pour en discuter et décider ensemble de ce que nous souhaitons mettre en place dans le cadre de notre coopérative en construction. Nous aboutirons à la constitution de groupes de travail dont l’objectif sera d’avancer dans la concrétisation de cette vente. Appel aux forces vives !

La réunion est fixée le lundi 1er août, de 19h-21h. Thomas et Virginie nous accueilleront dans leur grange, 14, chemin du Buc, 5501 Loyers (Lisogne). Covoiturage possible, merci de préciser vos besoins. Nous vous invitons à vous inscrire dès que possible auprès de Sylvie, qui coordonnera ce volet (sylvie.laspina@natpro.be – 0487 34 60 78). Bienvenue !

Illustration : (c) Le Pinceau du Dindon